FAUT-IL QUITTER LA FRANCE APRES LA CESSION DE SON ENTREPRISE ?


Selon que vous aurez vendu vos actions (ou vos parts sociales) ou selon que votre société aura vendu son fonds de commerce, les questions auxquelles vous aurez à faire seront sensiblement différentes. Cependant elles vous ramèneront toutes au choix essentiel de la détermination de votre pays de résidence. Voici une synthèse des axes de décision qui se présenteront à vous après la conclusion du protocole de cession.

 

1 – SUR L’ENCAISSEMENT DU PRIX DE VENTE

Si votre entreprise est devenue une société de trésorerie après la cession du fonds ou après la cessation d’activité, votre problématique sera de faire remonter la trésorerie à votre niveau personnel sans subir une cascade de prélèvements dissuasifs: charges sociales sur certains dividendes, impôt sur le revenu sur les distributions et sur taxation du boni de liquidation.

 

> l’hypothèse d’une dissolution

Après l’encaissement du prix de vente et alors que la société détiendra une trésorerie importante, si vous n’avez pas de projet particulier et que vous décidez de procéder à la dissolution de la société, les impositions qui en résulteraient seraient très lourdes. Les distributions de dividendes seraient en effet soumises aux charges sociales, à l’impôt sur le revenu et à la CSG-CRDS.

 

> l’hypothèse d’une cession à un coquillard

Il s’agirait de la cession de vos parts à une société spécialisée dans le rachat des sociétés de trésorerie et qui utilise le régime fiscal de faveur des sociétés mères. Ce régime permet de faire remonter la trésorerie de la cible sous la forme de dividendes exonérés à 95%.

Ce type de transaction est maintenant qualifié d’abus de droit lorsque la société rachetée n’a plus d’activité et lorsque le rachat n’a été effectué que dans le but de bénéficier du régime de faveur des sociétés mères.

Il est souvent préférable de conserver la société de trésorerie pour lui donner une nouvelle activité. Parallèlement vous pourrez envisager de quitter la France pour vous installer à l’étranger – notamment en Belgique.

 

 

2 – EFFETS D’UNE RESTRUCTURATION EN RESTANT EN FRANCE

 

> Perte de l’exonération ISF au titre de l’outil professionnel

Si vous décidez de rester en France, la première conséquence fiscale importante est que vos titres  ne pourront plus être qualifiés d’actifs exonérés d’ISF au titre de l’outil professionnel. Il n’en irait autrement que si vous utilisiez la société pour vous lancer dans une nouvelle activité en en retirant des revenus suffisants pour être éligibles à cette qualification et en restant dirigeant de droit. Ce choix n’est pas évident car l’exonération ISF serait alors acquise au prix d’une imposition à l’IR et d’un assujettissement aux charges sociales des rémunérations de dirigeants.

 

> Simulation ISF

Avant de prendre une décision définitive, il est souvent nécessaire de procéder à une simulation de votre niveau d’ISF après la cession.
Il sera alors nécessaire d’intégrer tous les anciens actifs exonérés.

 

> Transformation en SAS

Si vous prévoyez de distribuer des dividendes, il sera utile de transformer préalablement la société en SAS afin de ne pas les soumettre aux charges sociales.

 

> Création d’une Filiale

Si vous restez en France et avez le projet de créer une nouvelle activité ou de vous porter acquéreur d’un fonds de commerce, il sera nécessaire de créer une EURL ou une SAS, filiale de votre société historique afin d’isoler votre investissement dans une structure dédiée.

Vous pourrez parallèlement créer une SCI le cas échéant

 

3 – EFFETS D’UNE RESTRUCTURATION EN S’INSTALLANT A L’ETRANGER

 

> Le test de territorialité

Si vous partez résider à l’étranger, se posera la question de savoir si vous serez toujours considéré comme résidents de France sur le plan fiscal.

La question sera d’autant plus compliquée selon la durée de vos séjours respectifs en France et à l’Etranger et également selon la consistance et la répartition géographique de votre patrimoine.

Ce sont les conventions fiscales qui comportent les critères de territorialité permettant de répondre à cette question. Elles comprennent systématiquement plusieurs critères qui sont appliqués en séquence afin de déterminer l’Etat de résidence fiscale.

 

> L’exemple de la convention fiscale franco-belge.

Dans l’exemple de la Belgique, selon le paragraphe 2 de l’article 1er, une personne physique est réputée, pour l’application de la convention, résidente de celui des deux Etats sur le territoire duquel elle dispose d’un foyer permanent d’habitation. Si elle dispose d’un foyer d’habitation permanent dans chacun des deux Etats, elle est considérée comme résidente de l’Etat où elle possède le centre de ses intérêts vitaux (conv. art 1er, paragraphe 2, al. a).
Ce même article 1er, paragraphe 2, alinéas b et c, prévoit enfin comme critères accessoires à retenir, le cas échéant, pour déterminer la qualité de résident, en ce qui concerne les personnes physiques, les notions de séjour habituel et de nationalité.

 

> Absence d’ISF sauf pour les biens français

Si vous n’êtes plus résident fiscal en France, vous ne serez plus assujetti à l’ISF sur votre patrimoine mondial. Vous le resterez uniquement sur les biens qui seront restés en France.

Il faudra donc procéder à des arbitrages pour que d’une part votre imposition à l’ISF soit réduite et que d’autre part, le centre de vos intérêts vitaux ne soit pas considéré comme étant situé en France.

 

> Perte de l’exonération de la plus-value sur la résidence principale

L’un des inconvénients majeurs de l’expatriation est la perte de l’exonération portant sur la vente de la résidence principale.

Il serait recommandé alors de procéder à la cession de la résidence principale en France avant de quitter la France. Cela vous permettrait de conserver l’exonération de la plus-value, d’alléger le volume de vos actifs restant en France et de réinvestir le prix de vente à l’étranger.

 

> Constitution d’une holding

Si vous procédiez à un réinvestissement depuis l’étranger, il serait nécessaire de constituer une holding pour acquérir ou constituer une filiale à cet effet. Cela permet d’isoler les actifs dans une enveloppe dédiée à votre projet sans investir toute la trésorerie de la société historique. Vous pourriez également créer une holding par apport de titres en bénéficiant d’un régime de report d’imposition prévu par l’article 150 OB du CGI, lequel est le reflet d’un régime fiscal prévu par une directive européenne. C’est pourquoi il est prévu notamment que  l’apport peut être réalisé soit en France, soit dans un Etat membre de l’Union européenne. Il est nécessaire que la société bénéficiaire de l’apport soit soumise à l’impôt sur les sociétés (ou à un impôt équivalent).

 

> Choix du pays d’investissement

Vous aurez le droit d’investir dans le pays de votre choix. Cependant dans le souci de limiter les possibilités de qualifier la France comme l’Etat dans lequel vous avez le centre de vos intérêts vitaux, il me semblerait préférable de réaliser votre investissement ailleurs qu’en France.

 

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Les développements précédents sont destinés à constituer des axes de réflexion qui pourront être approfondis en temps utile lorsque vous aurez effectué vos arbitrages et décidé le lieu de votre future résidence. Il est souvent utile de se faire assister pour finaliser cette réflexion.